Biographie de Jean Witkowski  (1895 – 1953)

 

Violoncelliste et chef d’orchestre

Jean Witkowski naît le 23 mai 1895 à Vouziers (Ardennes), où son père, le futur compositeur Georges Martin Witkowski est en garnison.

 Revenu à Lyon, l’enfant est mis très tôt au piano. Blanche Selva le prendra plus tard dans ses cours de perfectionnement, mais c’est à l’âge de 7 ans, initié par Léonce Allard, que Jean prend ses premières leçons de violoncelle, instrument qu’il

ne quittera plus et vers lequel, par la suite, il orientera sa carrière d’interprète avant de se consacrer à la direction d’orchestre.

 

Jean Witkowski                              

 

 

En 1908, le jeune musicien, âgé de 13 ans, remplace le timbalier de l’orchestre de la Société des Grands Concerts dirigé par son père, et assure sans faille sa partie dans la Symphonie pour Orgue de Saint-Saëns. Dès lors, à ce pupitre durant six ans, il pourra utilement observer la complexité et les subtilités du fonctionnement d’un orchestre.

 

    Engagé volontaire en 1914, blessé sur la Somme en 1916, Jean profite de sa convalescence pour écrire une réduction pour piano du Poème de la maison, importante oeuvre lyrique dont son père achève la composition.

 

La carrière de violoncelliste professionnelle de Jean Witkowski commence en 1919, d’abord comme soliste (tournées en Europe et Afrique  du nord),

  puis au sein du quatuor Guichardon, et enfin du quatuor Crinière.

 

                    Georges Crinière, 1er violon / Marcel Gonzalès, 2è violon / Jean Witkowski , violoncelle / Jean Gay, alto

Sa rencontre en 1920 avec la violoniste Hortense de Sampigny et le pianiste Ennemond Trillat donne naissance au Trio Trillat, trio qui se produira durant près de trente ans en France ou à l’étranger, et fera les riches heures de la musique de chambre lyonnaise.

Le trio Trillat

 

 

    Parallèlement, le violoncelliste joue avec les orchestres de Joseph-Guy Ropartz, Paul Paray, Eugène Bigot, et met son archet au service d’un répertoire très riche où les compositeurs contemporains sont souvent à l’honneur.

 

    Florent Schmitt, qui le désigne comme le « Casals français », lui confie la création de son Chant élégiaque et Final, Vincent d’Indy, celle de son Quintette et plus tard, Hindemith, celle de son Concerto pour violoncelle et orchestre.

ll joue avec Robert Casadesus qui lui dédicacera sa Sonate pour violoncelle et piano, avec le flûtiste André Lespès, la pianiste Noëlla Lambert ou avec les Stravinski.

 

 

E. Trillat, A. Lespès, J. Witkowski 

Il accompagne au piano la soprano Suzanne Balguerie lors de ses récitals, et se lie finalement avec tous les compositeurs et interprètes des années 1930 qui apprécient l’amitié de cet artiste complet à la musicalité exceptionnelle.

 

 

 

S. Stravinski et J. Witkowski

En 1924* , Vincent d’Indy, qui suit la carrière de Jean Witkowski, estime « qu’il est temps de le jeter dans la fournaise de la direction d’orchestre » pour laquelle « il est tout désigné ».

(lettre de Vincent d’Indy).

 

    Le violoncelliste, qui avait déjà dirigé les choeurs à Orange en 1919, monte au pupitre des Auditions Symphoniques, ensemble créé à Lyon par Robert Proton de la Chapelle et Georges Michet. Puis il part à Paris durant deux ans suivre l’enseignement de Georges Georgescu et Philippe Gaubert, alors à la tête de la Société des Concerts du Conservatoire.

 

    Revenu à Lyon, le musicien dirige pour la première fois l’orchestre et les chœurs de la Société des Grands Concerts, dans le programme du 24 novembre 1929 (Beethoven, Bach, Febvre Longeray, Moussorgsky, Mariotte). C’est un succès, il a 34 ans.

 

    Pour Jean Witkowski, commence alors une nouvelle carrière. Il sera appelé à diriger à Paris (Société des Concerts du Conservatoire, Concerts Colonne) et dans plusieurs villes françaises qui commencent elles aussi à posséder leur ensemble symphonique permanent.     

 

       En 1931, son père lui confie définitivement la baguette de l’ensemble orchestre et choeur.

   Ses programmes resteront soigneusement équilibrés, permettant aux lyonnais d’entendre à côté du grand répertoire classique, les œuvres des musiciens modernes ou contemporains. Jean Witkowski y ajoute les partitions de jeunes compositeurs, exigeant parfois de l’auditeur une oreille nouvelle ; le public lyonnais, d’abord méfiant, se laisse finalement séduire*.

         * On pourra ainsi entendre, et souvent en première audition, les œuvres de Marcel Delannoy,

          Francis Poulenc, Philippe Gaubert, Olivier Messiaen, Paul Hindemith, Henri Tomasi, George Gerschwin, etc.

    Si certains compositeurs comme Francis Poulenc, Florent Schmitt, Arthur Honneger, Désiré-Émile Inghelbrecht , Marcel Dupré, aiment à jouer leurs propres partitions, Jean Witkowski, comme son père, sollicite pour ses concerts les grands interprètes de l’époque*.

         *Maurice Marechal, Suzanne Balguerie, Charles Panzera, Maurice Martenot, Robert Casadesus,

          Sviatoslav Soulima-Strawinsky, Zino Francescatti, Jacques Thibaud, Alfred Cortot, Yves Nat,

            Ninon Vallin, Ginette Neveu, EnnemondTrillat, Marguerite Long, Paul Tortelier, Samson François, etc.

En plus de sa carrière de chef d’orchestre et de ses activités de violoncelliste qu’il conservera toute sa vie, lors de concerts publics ou radiophoniques, il est nommé en 1934 professeur de la classe d’ensemble vocal du Conservatoire de Lyon, puis de celle d’accompagnement, de celle de musique de chambre, et enfin, professeur de la classe d’orchestre.

 

   En 1938, renforcée par les musiciens du Trigintuor, la Société des Grands Concerts devient l’Association Philharmonique de Lyon. Le jeune chef l’administrera totalement à la disparition de son père en 1943, auquel il ne survivra malheureusement que quelques années.

 

    Jean Witkowski disparaît prématurément le 24 mai 1953, laissant dans la stupeur à la fois l’ensemble symphonique et choral, au pupitre permanent duquel il ne sera d’ailleurs pas remplacé, ainsi que le monde musical lyonnais au sein duquel il avait pris une très large place.

 

                                                                                  *

  

    Comme violoncelliste, on peut se faire une idée de l’activité de Jean Witkowski en comptant que, dans les années 1930-1940, en concert public ou pour la radio, le musicien a pu assurer chaque année, et dans une même exigence de qualité, plus de 130 concerts de musique de chambre aux programmes différents.

 

    Comme chef d’orchestre, succédant à son père, il aura dirigé à Lyon durant 22 ans près de

900 partitions, conduisant ensemble symphonique et chœurs lors de 200 concerts dominicaux devant le public lyonnais de la salle Rameau.

 

    Enfin, Jean Witkowski, musicien complet, fut toujours, comme violoncelliste ou comme chef d’orchestre, un des fervents défenseurs des compositeurs français de cette première moitié du xx e siècle et un des promoteurs des grands interprètes de son époque.

 

    Beaucoup lui témoigneront leur amitié en plus de leur reconnaissance.

 

                                                                                * * *

                accueil

   

             Georges  Martin Witkowski

*Le 24 janvier 1924, à Salles-en-Beaujolais, il épouse Zénaïde Billioud, ils auront un fils, Ivan.